Se salir, avoir les mains sales, les vêtements tâchés ou mouillés… C’est généralement ce qu’il se passe lorsqu’un enfant (ou un adulte à l’âme d’enfant) joue dans la nature. Je vous mets au défi de jouer dehors sans vous salir!
Pourtant, c’est une source de craintes et de tensions chez une partie des enfants qui viennent en activité dans la forêt ou une cause de mécontentement chez certains parents.
Peur des germes et des maladies (certains enfants ont peur de mettre les mains au sol dans la forêt), de salir leurs vêtements et de se faire gronder… toutes des raisons de ne pas oser se salir.
Mais, ça veut dire quoi se salir ? Est-ce que la terre c’est sale ? Est-ce que la course à l’hygiène excessive ne nous priverait de quelque chose de plus important?
C’est ce que je vous propose d’explorer avec moi dans la suite de cet article!
Les 6 raisons de laisser les enfants se salir dans la nature
1-Le jeu libre :
Faire des gâteaux de boue, jouer avec des ustensiles de cuisine ou de bricolage dans la terre, imiter les animaux, construire des cabanes, marcher à pieds nus dans la forêt… les enfants aiment goûter à cette liberté d’explorer, de manipuler des éléments naturels et de laisser libre cours à leurs envies. L’objectif n’est pas de se salir, ni de se couvrir de boue (quoique parfois…), mais c’est la conséquence du jeu libre.
Empêcher les enfants de se salir c’est les empêcher d’utiliser leur plein potentiel, de partir à la découverte de leur environnement et de gouter à la socialisation, la coopération et l’augmentation de la confiance en soi que permet de le jeu libre.
2-Renforcer l’immunité :
L’augmentation des mesures d’hygiène a certes permis de diminuer drastiquement certaines maladies infectieuses et c’est une bonne chose.
Toutefois, l’hygiène excessive qui supprime tous les germes et bactéries de l’environnement sont la cause d’une baisse de l’immunité et de l’émergence de certaines maladies auto-immunes et allergies, tels la maladie de Crohn, l’asthme, la sclérose en plaque et de le diabète de type 1.
Il existe dans la terre et les éléments naturels des micro-organismes, notamment un « microbe appelé gamma-protéo-bactéries, qui semble stimuler la défense immunitaire de la peau, augmenter les sécrétions immunitaires utiles dans leur sang et réduire leur teneur en interleukine 17A, liée aux maladies transmises par le système immunitaire. Au contact de la peau et du système digestif, ces microbes permettent ainsi de renforcer le système immunitaire. »
3-Se connecter à son environnement et au vivant :
Pour devenir un être humain bien dans sa tête et son corps, un enfant (et un adulte) a besoin d’être connecté à lui-même, aux autres et à la nature. Pour ce faire, il a besoin d’explorer son environnement, de toucher, d’expérimenter, de se coucher au sol pour observer les fourmis, de transformer la matière, de suivre les traces des animaux qui composent son environnement…
C’est ainsi qu’un individu va créer du lien avec qui il est profondément et avec le vivant. Grâce à ce lien, il acquerra non seulement une force intérieure que rien ni personne ne pourra lui enlever, mais il aura aussi cette connaissance profonde du vivant et cette envie, ce besoin vital d’en prendre soin et de le protéger. Ce dont on a cruellement besoin à l’heure actuelle…
4-Se libérer de la peur et connaitre ses limites
Le fait de pouvoir jouer librement avec son environnement, sans contrainte liée au risque de se salir et de se faire gronder, en ayant la confiance de ses parents, permet à l’enfant d’expérimenter par lui-même et de trouver ses propres limites en matière de saleté et de propreté.
Certains enfants vont apprécier glisser dans la boue, mais ne pas aimer y mettre les mains. D’autres vont se rouler de la tête au pied dedans. Et d’autres encore vont aimer sauter dans les flaques d’eau et avoir les pieds trempés, mais ne pas aimer quand la manche de leur pull sera même un tout petit peu mouillée…
Libérer les enfants de la peur de se salir et de décevoir leur permet de faire l’expérience par eux-même et savoir ce qui leur convient à eux et à eux seuls.
Aussi, le fait de ne pas avoir peur de mettre les mains au sol, de s’asseoir par terre, de ramper… va mettre l’enfant en contact avec les petites bêtes du sol et des airs et atténuer ses peurs. A force d’être en contact avec ces gentils bêtes, j’ai vu des enfants passer d’une peur intense des araignées à une légère tension quand une de ces demoiselles leur grimpait dessus…
5-Etre heureux
Jouer rend heureux. Tout le monde en a déjà fait l’expérience.
Mais jouer au contact de la nature rend encore plus heureux! Pourquoi?
Grâce à des bactéries, les Mycobacterium vaccae, présentes dans le sol sont de vraies anti-dépresseurs.
L’explication est simple : Mycobacterium vaccae va en fait activer la libération de deux neurotransmetteurs : la sérotonine, synthétisée dans l’intestin et de la dopamine, synthétisée au sein du cerveau. La dopamine affecte les émotions, notamment celles qui se rapportent au plaisir. Et la sérotonine va réguler notre humeur mais aussi notre sommeil, notre mémoire…
Pour mettre en évidence les effets de cette bactérie qui donne le sourire aux jardiniers, des tests ont été pratiqués sur des souris (elles vont bien, ne vous en faites pas !) par deux neuroscientifiques : Dorothy Matthews et Susan Jenks. Le protocole est simple : certaines souris ont été mises en contact avec la bactérie Mycobacterium vaccae, tandis que d’autres non. Par la suite, on leur a fait passer des tests comportementaux. Les résultats sont étonnants : les souris mises en contact avec la bactérie sont moins nerveuses et ont traversé un parcours labyrinthique deux fois plus vite que les souris sans bactérie.
Ils ont ainsi pu démontrer que «manger, toucher et respirer un organisme du sol peut être lié au développement de notre système immunitaire et de notre système nerveux. » En bref, cette bactérie rend heureux et plus intelligent !«
6- Le développement psychomoteur :
On le sait, jouer permet de développer le système psychomoteur. Le jeu en nature ne fait pas exception. Courir, sauter, se rouler, glisser, découvrir des textures et des formes différentes… autant d’activités que la nature offre sans limite. Et bien sûr, ces activités impliquent de se salir.
Jouer dans la nature permet de jouer avec des textures différentes, ce qui permet de diminuer les hypersensibilités ou les aversions pour certaines textures que ressentent certains enfants : ça colle, ça pique, ça chatouille, c’est froid, c’est rugueux…
Se salir va également permettre de stimuler la curiosité des enfants et de laisser libre cours à leur créativité, sans freins : faire des gâteaux de boue (oui ils adorent vraiment ça), creuser, bataille de feuilles mortes, toboggan de boue…
Pour conclure
Vous l’aurez compris, se salir présente tout un tas de bénéfices et va permettre de développer chez l’enfant bonheur, autonomie, imagination, exploration sensorielle, enthousiasme, plaisir, confiance en soi, socialisation, développement moteur, découverte du monde, immunité…
Avec de simples précautions (ne pas manipuler des fruits et champignons méconnus et ne jamais rien mettre en bouche si un adulte qui s’y connait très bien ne nous y a pas invité) et un un bon équipement (des vêtements adaptés, résistants aux intempéries et qu’on peut salir), on peut se permettre de lâcher-prise et laisser nos enfants faire l’expérience de la nature sans contraintes.
Il suffit de prévoir des vêtements de rechange pour la route, une couverture pour couvrir les sièges de la voiture ou de la remorque du vélo. Et une fois rentrés à la maison, inviter l’enfant à participer à la routine de retour à la propreté : enlever ses vêtements et les mettre dans le panier à linge, laver ses chaussures, passer l’aspirateur si la terre a séchée et qu’il y en a partout dans l’entrée et filer à la douche.
Quand les enfants me disent « mon pantalon est tout sale », je leur réponds « hé oui, c’est comme ça quand on joue dans la nature; C’est pour ça qu’on a inventé les machines à laver, non? »
Alors, la prochaine fois, avant d’interrompre un enfant dans son jeu parce qu’on a peur qu’il se salisse, demandons-nous ce qui est le plus important!
